Un réveil à 22h, la sonnerie du téléphone. Génial ! Pour une fois qu’elle avait réussis à s’endormir relativement vite dans cette salle minable. Car il fallait avouer que tenter de trouver le sommeil dans la salle de repos des officiers du SUNH n’était pas chose facile. Elle aurait pu rentrer chez elle me direz-vous. Toutefois, depuis plusieurs jours Jordan préférait squatter la salle de repos, et ceci afin d’éviter les appels incessants d’Alice. Il n’y avait eu aucune querelle entre elles, mais la récente vision de Sam dans son appartement avait fait remonter en elle rancoeur et tristesse. Du coup comme à chaque événement de ce genre Jordan se renfermait. Alice le savait très bien, ce qui expliquait son harcèlement envers la jolie blonde. Soupirant et se frottant les yeux la jeune femme décrocha. Un collègue. Nouveau soupire lorsqu’elle lâcha un : « J’arrive, prépare le bébé. » C’est à dire l’hélico.

Moins de dix minutes plus tard Jordan se trouvait sur la piste de décollage. Elle se dirigea de suite vers le bureau de vol pour signaler sa présence et ainsi accomplir sa mission. Après avoir salué l’officier en charge, le lieutenant Danny, ses yeux se posèrent immédiatement sur une tête blonde au fond de la salle, assise et fortement menottée. « Non mais je rêve ! » Murmura-t-elle pour elle même. Sam !!! Sam était là !!! Et ce con s’était bien entendu fait attraper. Redoutant la suite, elle s’adressa à son collègue. « Alors ? » Ce dernier lui tendit la feuille de route.

« Trois loups-garous… On les attrapé à diverses moments alors qu’ils passaient les grilles, et celui-là apparemment n’a jamais mis les pieds dans le District. » Elle jeta un coup d’oeil au loup garou en question.
« Okay. Et il faut les déposer où ? Pourquoi en hélice et pas en convois ? »

Danny la regarda et grimaça.
« Parce qu’ils ont peur des émeutes vois-tu. Il y a des loups qui rodent prêt des grilles et ils ont peur d’un attentat. »
« Ouai du coup on joue au tir au pigeon… » Elle soupira. Deux mois qu’elle bossait là et elle en avait déjà marre. Elle regrettait amèrement d’avoir quitté sa base aéronavale. Alors elle se saisit de la feuille de route et se dirigea vers les loups garous et leur gardiens.
« Allez on embarque ! On se dépêche. Je veux rentrer rapidement, le temps va se gâter. » Ignorant royalement Sam elle fit signe d’embarquer et sortit pour se diriger vers son hélicoptère tout en lisant la fiche et les conditions de vol.

Il avait fini par se faire choper. A cause de ce crétin qui avait pas su se faire discret, le voilà maintenant menotté et assis dans une des salles du SUNH. Prêt à repartir dans son trou à rats. Il pestait en silence, observant les allées et venues des gardes qui, bien protégés sous leurs armures, empestaient la peur. Leurs menottes c'était pas méchant, bien plus résistantes que des menottes ordinaires mais si un loup-garou veut vraiment s'en défaire, il finit par y arriver, quitte à se briser les poignets. Sam toisa du regard les deux autres loups, silencieux. L'un d'eux était nerveux, il n'a encore jamais mis les pieds dans le district, il risque de faire une connerie avant qu'ils arrivent. Ça ne lui plaisait pas du tout. Les agents commencèrent à s'agiter et Sam ne rata pas la petite tête blonde, Jordan. Fallait que ce soit elle la pilote qui allait les rapatrier. Génial. Il n'arrivait pas trop à les entendre, le bruit des véhicules et des hélico qui revenaient le dérangeait. Il n'arriva à entendre que le Lieutenant parler d'éventuelles émeutes. Ça lui plaisait encore moins.

Il ne releva pas en voyant Jordan arriver et se leva docilement, bien que tirant la tronche, lorsqu'elle les somma de la suivre. Il faisait nuit et, oui le temps allait se gâter. Il pouvait le sentir, il devait faire froid et il allait surement neiger pendant la nuit. Sam ne disait rien et malgré les gardes, les loups n'hésitaient pas à parler ou chahuter. L'un deux (le crétin qui avait fait repérer Sam) s'approcha de Jordan et commença à la reluquer de haut en bas. Samwel fronça les sourcils. "Avec vous comme pilote, un beau petit lot comme ça, vous pouvez m'emmener où vous voulez, quand vous voulez" Dit-il avec un sourire charmeur avant de tenter de toucher les fesses de la jeune femme avec ses mains liées, mais quelque chose l'arrêta brusquement. Malgré les menottes Sam attrapa le loup par le coup le retenant vers l'arrière, il se retrouva à moitié étranglé et donc arrêté dans son élan. Un grondement sourd émanait du fond de la gorge de Sam et ses yeux d'ordinaire bleu reflétaient un doré sauvage. Les agents du SUNH (2 pour les escorter) pointèrent rapidement leurs armes vers Sam. "Lâche-le ! Lâche-le !" Samwel planta son regard mordoré sur eux et fini par lâcher prise, leur montrant ses mains paumes ouvertes. Le pauvre loup recrachait ses poumons et se fit tout petit à côté de Samwel et de l'autre loup qui restait discret jusqu'à maintenant.. Sam croisa le regard de Jordan, de ses yeux qui étaient désormais redevenus bleus.

Elle avait beau se dire d’agir normalement elle avait quand même l‘impression d’agir différemment. Le fait que Sam soit présent, juste là, menotté, la perturbait fortement. Non seulement ça la perturbait parce qu’il s’agissait de son ex. Un ex qui l’avait plaqué du jour au lendemain en donnant de fausses excuses et pour lequel elle éprouvait toujours des sentiments ; mais aussi parce qu’il était là en tant que loup-garou. Les loups-garou, créatures dont on avait appris l’existence juste deux mois auparavant. Jordan avait tout de même du mal à admettre que des êtres humains pouvaient soudainement se transformer en une créature mi homme mi animal d’environ deux cent kilos et aux instincts meurtriers. Mais par son job elle avait bien dû s’y faire.
Sans autres commentaires et lisant avec attention toutes ses données de vol elle se dirigeait vers son oiseau, prisonniers et gardiens à sa suite. Un commentaire déplacé de la part de l’un d’entre eux, qu’elle ignora. Non elle n’allait pas réagir alors que Sam était présent. Elle ne voulait pas se montrer en spectacle devant lui, elle feignait donc l’indifférence.
Ce fut d’abord la brusque montée d’énergie qu’elle sentit, comme si son instinct lui disait que quelque chose était sur le point de se produire. Puis le son d’une lutte et ce qu’elle prit pour un grognement monta derrière elle. Une fraction de seconde plus tard elle observait un Sam yeux mordorés étranglant à moitié le malotru. Aussitôt les armes s’étaient pointées vers le jeune homme. Surprise, Jordan observa Sam et son regard, ce qu’elle ne lui connaissait pas. Toutefois elle n’en fut pas réellement effrayée, perturbée, dérangée, impressionnée, oui mais non effrayé, bien au contraire. A sa grande surprise elle réalisa que cette impression ressemblait plus à une montée d’adrénaline similaire à la chute libre d’un jet qu’à une peur concrète. Bon certes, elle restait tout de même fortement impressionnée.
Il baissa les mains en signe d’abandon, mais elle trouva que les armes ne se baissaient pas aussi rapidement.

« Ça va ! C’est bon. C’est bon je vous dis ! » Le Capitaine Watson reprenait le contrôle. « Allons y ! » Toutefois elle marqua une pause, se plaçant directement devant le loup-garou qui lui avait fait des avances et que Sam avait malmené. « Oh ! Un conseil. Ne bave pas sur mes sièges. » Elle lui adressa un sourire méprisant puis regarda Sam dont les yeux avaient repris leur couleur originelle. Ce bleu qu’elle aimait si tant? Elle avait senti un truc avant que Sam ne bondisse, son instinct lui disait qu’il s’était mis entre le loup et elle. Reprenant son sang froid elle grimpa dans le cockpit de son appareil. « Attachez-les bien, je veux pas de grabuge. Il fait nuit, froid, on risque d’avoir de la neige alors on se dépêche ! »
Quelques minutes plus tard, elle faisait tourner l’hélice, enfilait son casque radio et demandait l’autorisation de décoller. Alors elle s’éleva dans les airs et prit la direction du district.

Sous les ordres de Jordan, les gardes finirent par baisser leurs armes et Sam se détendit. Son instinct l'avait poussé à agir, ses sentiments toujours présent pour Jordan aussi c'était certain. Et si la protéger n'était pas un automatisme, il se serait retenu pour feindre l'ignorance et l'éloigner de lui le plus possible. Ils montèrent tous à bord de l'hélicoptère, Sam ne quittant pas du regard le soldat qui l'attachait solidement. Une fois tout le monde en place, ils prirent vite de l'altitude. Il faisait froid, Sam pouvait le sentir et il commençait déjà à neiger alors qu'ils approchaient du district. Il ne fallut pas longtemps pour que l'un des loups ne commence à s'agiter, ils pouvaient tous les trois entendre les émeutes sur le sol. Il tirait sur ses liens, ses yeux brillant d'un doré menaçant. "Arrête ça, tiens toi tranquille ! " Beuglaient les gardes alors qu'il arrivait peu à peu à détacher ses liens. Les agents du SUNH pointaient leur armes sur lui mais tremblaient déjà à l'idée qu'il ne se transforme. Le loup à côté de Sam se faisait tout petit, décidément pas envieux à l'idée de créer du grabuge ou de se faire rappeler à l'ordre par Samwel. Il ne fallut pas longtemps pour que l'agité ne se transforme brusquement, dans un grognement terrifiant. Le premier agent du SUNH à sa portée passe par dessus bord tandis que l'autre ouvre le feu. Merde, il allait tous les faire descendre. Sam brise ses liens comme il le peut, les menottes restant bien fortement à ses poignets. Les balles fusent, Sam manque de s'en prendre une, de toute façon elles ne feraient que de faibles dégâts, ça n'allait que le ralentir, pas le tuer. Ils ne possédaient pas encore d'arme réellement efficace contre eux (ou il y en avait très peu), heureusement pour Sam. Une balle se fiche dans le tableau de bord, non loin de Jordan. Ce qui bien évidement ne plait ni à la pilote, ni à l'hélicoptère qui se met à émettre des bip répétitifs et plaintifs. Le deuxième soldat passé par dessus bord, le lycan croisa le regard de Sam et finit par sauter dans le vide, à son tour les laissant à leur sort. L'hélicoptère se crasha au beau milieu du district.

Lorsque Sam reprit ses esprits, des loups entouraient déjà la carcasse de l'hélicoptère, prêt à ramasser les pièces et si possible, à se trouver une bout de chaire fraiche. Il ne remarque pas même l'absence du loup qui était plus tôt avec eux dans l'avion, surement déjà bien loin maintenant. « Jordan ! » Il se précipita dans ce qui restait du cockpit, la trouvant toujours sur son siège et inconsciente. L'odeur du sang réveillait ses instinct mais attirait surtout les autres. « Dégagez ! BARREZ VOUS » Leur hurla-t-il, sa voix se mêlant à un aboiement rauque. Ils hésitèrent, glapirent et nombre d'entre eux firent demi-tour. Sam se retourna vers Jordan, elle était toujours en vie. Il n'essayait pas de se rassurer, il le savait, il pouvait entendre son coeur battre. « Jordan ! JORDAN ! » Disait-il en lui prenant sa tête entre ses mains, le sang coulait d'une plaie qui l'inquiétait beaucoup. Il fallait qu'il se débarrasse de ses menottes et qu'il la sorte de là, cet endroit n'était pas sûr...

La météo n’avait rien d’agréable. La neige menaçant de tomber, la visibilité se faisait de plus en plus mauvaise. A cela s’ajoutait le fait que Jordan se sentait mal à l’aise. Un truc la taraudait, comme un mauvais pressentiment. Toutefois elle restait entièrement concentrée sur son vol.
Soudain un message pour elle à la radio.
« Papillon de Nuit ici la base, on nous signale des combats non loin de votre position, prenez de l’altitude et faite attention. »
« Rogers. Je grimpe. Out. » Et elle prit un peu plus de hauteur. La neige se mit alors à tomber complètement.
Ils venaient déjà de passer le mur d’enceinte et Jordan les dirigeait vers l’endroit choisit pour les déposer lorsque des cris commencèrent à se faire entendre derrière elle. Tentant de garder son axe avec la neige qui tombait Jordan essayait tout de même d’écouter ce qui se passait. Apparemment un loup garou venait de se transformer. Les coups de feu ne tardèrent pas à fuser et l’hélicoptère fit une brutale embardée lorsqu’une balle vint se ficher dans le tableau de bord, tout prêt de la jeune femme. « Bordel ! » Cria-t-elle tout en redressant l’appareil du mieux qu’elle pouvait. Ce dernier émettait des bip retentissants et répétitifs et aussitôt la pilote décida de redescendre. Mettre le moins de distance entre le sol et eux… Soudain l’hélico fit une seconde embardée, quelque chose de lourd venait de quitter l’appareil ce qui le déstabilisa fortement. La jeune femme redressa au maximum et dans un automatisme lié aux années de vol elle largua le kérosène afin d’éviter l’explosion en cas de chute. L’adrénaline lui vrillait les tympans, le bruit, les vibrassions. Malgré la panique ambiante elle chercha au maximum à minimiser la casse. Peine perdue… Quelque chose attrapa brutalement l’appareil, le projetant brutalement sur le coté et lui arrachant les hélices. Alors ce fut le noir total.

On l’appelait. Loin. Très loin. On lui disait de se barrer. Partir ? Pourquoi ? Où ? De nouveau on l’appelait mais c’était un son beaucoup plus proche. « Sam » Marmonna-t-elle. Quoi ? Sam ? SAM ! Soudain elle sursauta, les souvenirs lui revenant. Le convoi, la neige, les loups garous, le crash.
« Non d’un… ! MERDE !!!! » Hurla-t-elle de rage, tout en fichant un coup de pied dans ce qui restait de son hélico. Ses yeux se posèrent alors sur Sam prêt d’elle qui lui tenait le visage. Il était en vie. Vivant ! Dieu merci ! Elle en fut soulager. Tentant de reprendre sa respiration elle chercha à analyser la situation. Des grognements se faisaient entendre à l’extérieur, elle avait froid, et apparemment elle saignait. D’une main elle essuya brusquement le sang qui lui bloquait la vue, et de l’autre chercha à retirer son harnais sans réellement y parvenir. « Qu’est ce qui s’est passé ? Où sont les autres ? Marshall et Buckley ? » Elle posait la question bien qu’elle devina la réponse. Ses hommes étaient morts, et elle se retrouvait seule, humaine, blessée au milieu de loups-garou passablement énervés. D’un geste brusque elle se saisit de la radio.
« Papillon de nuit à base. Mayday ! Mayday ! Crashé au milieu du district, aucun survivants. Vais… euh.. essayé de rejoindre la porte Sud au plus vite. Out. » Tout en disant cela elle n’avait cessé d’observer Sam, comme cherchant un soutien indéfectible dans son regard. Il était désormais son seul rempart, son unique rempart pour sortir d’ici. Alors la radio crachota.
« Base à Papillon de nuit. Négatif. Trop d’émeutes porte sud. Envoyons unité de secours porte ouest. Bonne chance. out. » Elle fronça alors les sourcils cherchant à se rappeler où était la porte ouest. N’était-ce pas celle en bordure de forêt ?