James s'arrêta à l'entrée de la galerie nationale et pensa qu'il n'avait jamais pénétré dans ce bâtiment. Il n'avait jamais eu besoin de visiter ces nouveaux musées pour apprécier un tableau. Sa famille possédait une des collections privés les plus prestigieuses d'art militaire. Son corps se tendit au souvenir des tableaux qui avaient orné la maison de son enfance.

Il fit un pas en avant et pénétra dans le bâtiment. Il avait mieux à faire que de s'attarder sur le passé. Son futur l'attendait, un futur qu'il espérait lui serait utile pour regagner sa place auprès de ses aïeuls.

Il s'arrêta dans les galeries flamandes et localisa rapidement la petite alcôve où devait l'attendre son rendez-vous. Il avait trouvé étrange d'être invité à un musée pour son premier jour au travail mais n'avait pas discuté les ordres. Cela était surement un test, une façon de pouvoir juger son caractère et ses capacités sans lui révéler le quartier général de l'organisation.

Il s'assit sur un banc et attendit que quelqu'un arrive.

Septique. Voilà le regard qu’elle lançait à Caturanga. Un regard septique où ne tarda pas à se mêler l’agacement habituel qu’elle ressentait lorsqu’il s’agissait du Warehouse. Bon il fallait bien l’admettre, ce n’était pas tant la découverte d’objets aux pouvoirs impressionnants qui l’agaçait. Non pour l’heure c’était de jouer le rôle de nanny.
 C’est donc en retenant un soupir des plus informels qu’elle suivit Caturanga en dehors de l'hôpital où reposait sa mère. Ah oui parce qu’en plus on la dérangeait de son chevet pour aller saluer un inconnu qui ne croirait pas un mot de ce qu’on lui dirait, jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre d’Excalibur.

Après une dizaine de minutes de coche, ils arrivèrent enfin devant la National Gallery, qui renfermait dans ses sous-sol le fameux entrepôt. Gracieusement Victoria descendit de la cabine et entra dans le musée. C’est presque comme si elle voulait semer Caturanga. Sans un regard pour lui elle se dirigea le plus rapidement possible vers le tableau-porte comme elle l’appelait. Un homme était assis sur un banc, il semblait attendre quelqu’un. Elle nota de suite à sa carrure et son maintient, qu’il était ou avait été un militaire. Quelle joie !

« James Addington ?» Entendit-elle prononcer Caturanga.

Et juste après confirmation elle envoya la main vers un tableau situé sous alcôve tout en disant.

« Moi c’est Victoria Greggson, enchantée. Autant ne pas faire de préliminaires sur ce qui vous attend !» Et elle saisit la ‘poignée’ de la porte peinte dans le tableau. Une poignée minuscule mais qui lui fit aussitôt traverser le mur.

James se leva et adopta une pause militaire dès qu'il entendit son nom. Un homme d'âge mur et une jeune femme lui firent face. Ils devaient être son comité d'accueil. Il s'apprêtait à répondre lorsque la jeune femme prit la parole, et avant même qu'il ne puisse dire un mot elle disparu dans le tableau.

James ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. L'autre homme sourit amusé.

"Mon nom est Caturanga."

Il tendit une main que James serra automatiquement.

"Vous n'avez pas rêvé jeune homme. Victoria est bien passée au travers du tableau."

Il s'avança vers l’œuvre. "Il vous suffit de saisir la poignée et..."

Caturanga disparu à son tour.

James du faire appel à toute sa volonté pour ne pas faire un bond en arrière. Avec prudence il s'approcha du tableau. Il examina la peinture mais tout semblait en ordre.

Ce qui venait de se passer n'était pas possible. Il devait s'être assoupi en attendant son rendez-vous. Il était dans un rêve.

La tête de Caturanga apparu à ce moment à travers le tableau.

"Vous venez ?" Il tendit une main à James.

Ce dernier l'attrapa sans réfléchir et une seconde plus tard il se trouva dans un lieu qu'il ne reconnaissait pas.

"Bienvenue à Warehouse 12 monsieur Addington."

James se retourna mais il n'y avait pas de porte derrière lui. Il n'y avait qu'un mur de béton.

"Suivez-moi, voulez-vous?"

James resta cloué sur place. Il y avait des objets qu'il ne reconnaissait pas qui volaient dans les airs, des milliers d'étagères à pertes de vue et une épée qui fonçait droit sur lui.

En une fraction de seconde ses instincts militaires prirent le dessus et il se baissa juste à temps pour ne pas être transpercé par la lame de métal. Il repéra un bâton au sol et l'attrapa sans plus attendre pour riposter.

Il n'y avait personne derrière l'épée qui continuait de l'attaquer, le forçant à s'avancer sur la plateforme au-dessus du vide.

Il perdit l'équilibre alors qu'il esquiva un attaque direct au niveau de son cou et s'écroula sur la plateforme, son arme se perdant dans le vide immense. L'épée fonça droit sur lui. Il se força à garder les yeux ouverts. Si il devait mourir, il n'allait pas mourir comme un peureux.

L'épée s'arrêta à un centimètre de son visage et il eu l'impression qu'elle gloussa alors qu'elle se trémoussait au dessus de lui.

Il se releva lentement, incrédule.

"Qu'est-ce que..." Il n'arriva pas à continuer. Les mots lui échappèrent.

Cet endroit n'était pas possible. Ce n'était juste pas possible. Il se mit à courir vers le mur, il avait besoin d'un choc physique pour se réveiller. Le choc fut brutal, mais il ne se réveilla pas. Il était toujours au même endroit.

Comme à son habitude depuis une semaine, la pénombre l’accueillit. Elle se trouvait sur une plateforme dominant le vide, et c’est encore une fois par habitude qu’elle se dirigea vers ce fameux vide. D’un geste négligeant elle appuya sur un bouton situé à sa hauteur sur le mur de gauche. Attendant la navette elle s’appuya sur le mur, bras croisés et jeta un coup d’oeil pour voir si les deux hommes l’avaient suivie.

Comme elle l’avait prédit, James n’en croyait pas ses yeux. Il semblait complètement perdu devant son expérience récente de traversée du mur. Cependant c’est à peine s’il eu le temps de se remettre de sa traversée. Excalibur, l’épée magique, lui sautait déjà dessus. Comme elle la première fois, il se baissa et tenta d’esquiver la lame. Laquelle redoublait d’énergie pour tenter de transpercer son adversaire. Cette épée était comme un chien qui se jetait sur nous dès qu’on arrivait pour faire des fêtes. Ridicule. Enfin l’homme fut vaincu sans dommage (l’épée n’allait pas jusqu’au meurtre, du moins à ce qu’elle avait pu voir).

Lorsqu’il se redressa, elle fut étonnée de le voir s’élancer vers le mur qu’ils avaient traversé. Mais que lui prenait-il ? C’est de nouveau avec un air septique qu’elle l'observa percuter le mur, tomber, puis se redresser. Elle soupira.

«Ça y est ? Vous avez fini votre cirque ?» demanda-t-elle.

«Ce n’est pas un rêve Monsieur Addington» renchérit Caturanga.

Alors le monte charge arriva et Victoria s’engagea dedans.

James se frotta le front, essayant en vain de calmer la douleur qui s'installait lentement entre ses tempes. Il n'était pas convaincu qu'elle fut entièrement du au choc physique.

Il prit une longue respiration et ferma les yeux pendant quelques secondes. Lorsqu'il les ouvrit de nouveau rien n'avait changé, et Caturanga lui confirmait qu'il n'était pas perdu dans la lande des rêves.

Il était prêt à accepter cette possibilité. Le choc ne l'avait pas réveillé et rien de semblait s'altérer. Le temps passait même à une allure tout à fait normal.

"D'accord. Je ne suis pas dans un rêve." Les mots étaient plus pour lui que pour les deux autres personnes présentes.

Il ajusta sa cravate et passa ses mains le long de sa veste pour lui rendre un aspect moins froissée.

"Je vous suis."

Il s'engagea dans le monte charge à la suite de Victoria et Caturanga. Il n'avait pas d'autre option et il espérait que où qu'ils aillent, il pourrait y découvrir des réponses rationnelles. Après tout, il y avait de nouvelles découvertes chaque jour. Il était peut-être tout simplement dans un endroit où la recherche était plus avancée que ce dont il avait l'habitude. C'était peut-être un laboratoire secret pour la défense de l'empire britannique.

Rassuré par ses pensées, il se tourna vers Victoria et Caturanga.

"Je n'ai pas eu l’occasion de me présenter correctement. Je suis James Addington, enchanté de faire votre connaissance."

Il inclina la tête en un geste de politesse.

"Votre père vous emmène souvent sur son lieu de travail?"

Il n'était pas convaincu d'un lien de parenté entre Caturanga et Victoria mais il ne voyait pas d'autres explications à la présence d'une femme dans une organisation secrète. Du moins, il ne voulait pas exprimer les autres possibilités de vive voix.

Non mais elle rêvait là ? Ce type était non seulement fou en plus d’être demeuré ! Les yeux écarquillés elle le fixait sans savoir quoi répondre. Elle hésitait profondément entre l’envoyer paitre en le traitant de misogyne arriéré ou bien simplement se moquer de lui et de Caturanga par la même occasion. Les militaires ! Tous étroits d’esprits ! Ça s’annonçait épique décidément.

«Mademoiselle Greggson n’est pas ma fille? C’est tout comme vous une employée de l’Entrepot, arrivé tout récemment.»

Voilà ! Elle n’aurait pu ajouter mieux. Elle jeta alors un regard offusqué à Addington puis tourna le dos aux deux hommes tandis que le monte charge arrivait à destination soit au pied des innombrables étagères et allées, entreposant multitude d’objets. Un homme se trouvait là, les attendant. Il ouvrit la grille pour leur permettre de passer.

«Vous avez été long» aboya t-elle comme pour passer ses nerfs sur quelqu’un. Elle descendit de la machine et se dirigea tout droit vers un vaste bureau. Là, elle se servit un thé puis s’installa dans un fauteuil avec sa tasse et attendit la suite des événements.

James écarquilla les yeux à l'annonce que la jeune femme était une employée de cette mystérieuse société. L'idée même qu'une femme puisse travailler dans ce genre de milieu était tout simplement inconcevable.

"Excusez-moi. Je pensais simplement..." Il s'arrêta court. Il ne pouvait pas dire ce qu'il pensait. Rien ne rentrait dans ses schémas depuis l'arrivée de Caturanga et Victoria. C'était presque comme si ils s'efforçaient de faire exploser toutes ses notions.

Il se tourna vers Caturanga alors que Victoria sortit du monte charge.

"En quoi consiste ce travail exactement," demanda-t-il précautionneusement. Il avait peut-être tout interprété de travers, et il valait peut-être mieux qu'il prenne ses jambes à son cou et retourne à son uniforme de policier.

Les deux sortirent du monte charge et Victoria entendit leurs voix d’abord lointaines, puis se rapprochant. Caturanga semblait expliquer le but de l’Entrepot.

«...objets perdus des siècles et réapparaissant soudainement. Ces objets, comme vous l’avez vu avec l’épée Excalibur, ont subit une altération émotionnelle qui leur confère certaines... capacités. Ce sont ces objets que vous et Mademoiselle Greggson devait retrouver.»

Sur ces derniers mots ils entrèrent dans le bureau. Victoria leur adressa un léger sourire et signe de tasse. Là dessus il s’installèrent, et Caturanga expliqua alors le problème que l'entrepôt avait eu avec Sergei Ivanovich. Cela fit du bien à Victoria d’écouter une nouvelle fois cette histoire. Elle ne comprenait pas très bien pourquoi un homme voulait se venger de quelque chose qu’il n’avait pas connu. Soit elle avait zappé des détails, ce qui aux vues de sa mémoire était impossible, soit on ne lui avait pas tout dit. Le père d'Ivanovich, Vladimir, ancien agent, avait été blessé et relégué au placard. Son humeur s’en était modifiée, jusqu’au suicide et à la rancoeur de son héritier. Bien. Jusque là elle avait tout saisi.
Mais à présent, elle apprenait, au même titre que Addington, que le l’ancien tsar de Russie venait d’être assassiné par un artefact, via Sergei Ivanovich. Tiens donc...

«Euh attendez ! Le tsar a été assassiné par Ivanovich ? Par l’intermédiaire d’un... artefact ? -ce mot lui paraissait toujours aussi étrange- Et vous voulez que... nous... nous arrêtions cet homme ?»

Elle était loin d’être bête mais dans l’immédiat elle avait besoin de confirmations.

James cru qu'il allait s'évanouir pendant le discours de Caturanga. C'était comme si chaque mot était une attaque personnelle et pendant quelques secondes James se demanda si Caturanga lui faisait passer un test. Si James acceptait ce qu'il entendait, il serait traité trop crédule et renvoyé à la police. Cependant, il ne fléchissait pas, il n'hésitait pas dans son discours. Il était tout à fait à l'aise et James pouvait sentir de la sincérité dans ses mots. C'était plus fort que lui mais il était convaincu que cet homme ne lui mentait pas.

Il décida alors d'accepter tout ce qu'on lui disait. Il n'avait pas le choix. Il n'y avait pas d'autres explications plausibles qui lui venait à l'esprit. Il allait tout encaisser et dès qu'il aurait l'occasion de se poser, il allait tout passer au peigne fin et comprendre par lui-même ce qu'il se tramait.  

Il se concentra sur le flot d'informations que lui fournissait Caturanga. Au fil des phrases, James se sentit devenir plus à l'aise. L'assassinat d'un tsar, la poursuite d'un criminel... tout cela était dans ces cordes. Il s'accrocha à ses détails.

"Vous avez tout compris Mademoiselle Greggson," répondit Caturanga alors qu'il s'asseyait dans un fauteuil derrière ce qui devait être son bureau. Il glissa deux enveloppes vers Victoria et James.

"Vous trouverez tous les détails dont vous avez besoin dans ces enveloppes. Maintenant, mademoiselle Greggson, si vous voulez bien faire une visite guidée à monsieur Addington je vous serais des plus reconnaissant."

Elle avait tout compris ! Quelle chance ! À la différence que elle, elle ne voulait pas attraper un criminel notoire qui n’hésitait pas à faire exploser les gens par l’intermédiaire d’objets magiques ! Bon sang mais pourquoi avait-elle accepté ce travail ?
Caturanga leur tendit à chacun une enveloppe. Elle se saisit de la sienne, jeta un bref coup d’oeil à son contenu puis se leva tout en posant sa tasse de thé. Et maintenant la voilà transformée en guide touristique. Mais décidément ! Quelle chance ! D’un geste rapide elle lissa sa robe, adressa un sourire mesquin à Caturanga, puis invita Addington à la suivre. Elle sortit du bureau et s’approcha des allées.

«Militaire ?» demanda t-elle sur un ton de conversation banale.
«Je vous préviens, je ne suis ici que depuis une semaine, je n’ai permit de retrouver qu’un seul objet jusqu’à présent, donc je doute de vous être sincèrement utile pour comprendre tout ceci.»

Elle s’engagea alors dans une des allées.
«Comme vous pouvez le voir, l’entrepot est classé par secteur, et chaque allée porte un nom. Les artéfacts sont rangés selon secteurs. Apparemment c’est en fonction des affinités des artéfacts. Ces derniers sont mis à l’abri sur ces étagères, puis répertoriés. Ah et il y a un produit qui permet de neutraliser les effets des artéfacts.»

James attrapa son enveloppe. Il aurait préféré pouvoir se plonger dans son contenu plutôt que d'avoir une visite guidée de l'Entrepôt. Il estimait qu'il en avait probablement déjà assez vu, et il ne voulait pas réellement se retrouver seul avec Victoria.

Lorsqu'elle devina correctement qu'il avait un passé militaire il se sentit gêné pendant une fraction de secondes. Il était fier de son passé mais il ne savait pas comment dire qu'il n'était plus militaire, alors il acquiesça simplement d'un signe de tête. Ce n'était pas réellement un mensonge.

Il suivit Victoria dans les allées et l'écouta attentivement. Il avait toujours autant de mal à concevoir qu'une femme puisse servir comme agent, mais peut-être qu'elle se chargeait uniquement du côté administratif. Cela lui paraissait plausible.

"Donc je suis chargé de retrouver ces... objets," il ne voulait pas utiliser le mot artéfact. Il lui était trop étranger, "de les neutraliser et de les ramener ici. Mais que fait-on des criminels qui les utilisent ? Ce Sergei Ivanovich, il faut le faire disparaitre ou le présenter devant un tribunal ? Je conçois mal un tribunal croire en mes propos sur cet endroit." Il désigna les étagères tout autour d'eux d'un geste de la main.

Elle se retourna soudainement vers lui et l’observa. Militaire oui, mais plus d’actualité. Il suffisait de voir sa mine déconfite pour le comprendre. Un léger sourire étira ses lèvres.

« Nous.» Corrigea t-elle. «Nous sommes chargés de retrouver ces... objets. Vous et moi.»
Un peu de silence qu’elle mit à profit pour l’observer minutieusement.
«Je sais ce que vous vous dîtes. Qu’une femme n’a pas sa place dans ce genre d’univers. Mais laissez moi vous avouer une chose, le fait que mes organes reproducteurs sont à l’intérieur et non à l’extérieur de mon corps, ne signifie pas que je sois moins capable que vous, Monsieur. J’ai notamment une excellente mémoire.» Là dessus elle lui tourna le dos et s’enfonça bien plus dans les allées.

«Concernant les criminels qui utilisent ces artéfacts il me semble que d’après les rapports que j’ai lu il les laissent la plupart du temps libres. Mais il est évident qu’Ivanovich n’appartient pas à la classe lambda et que le seul moyen de l’arrêter soit de le tuer.»

Elle s'arrêta de nouveau pour lui faire face.

«Après tout cet homme a tué un tsar et la quasi totalité des agents de l'entrepôt, ce pour quoi vous et moi sommes là. Cet homme est un danger !»

James fut de nouveau surpris à la réponse de Victoria. Il ne s'était pas attendu à une telle réaction. Voulait-elle réellement dire qu'ils allaient faire équipe sur le terrain, qu'il allait devoir confier sa vie à une femme? Cela n'était pas concevable.

"Je ne doute pas de vos capacités intellectuelles." Il était vrai qu'il existait des femmes très intelligentes et cela il l'admettait sans problème. "Je pensais plutôt au côté physique du travail. Je ne pense pas qu'une femme puisse endurer les demandes du terrain."

Il considéra le sujet clos. Il s'était excusé et ils pouvaient retourner au dossier.
Il laissa glisser le commentaire sur la liberté qui semblait être accordé aux criminels. Cela n'avait pas de sens, mais c'était trop près du monde de ces objets. Il préférait se concentrer sur Ivanovich.

"Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point. Cet homme est un danger. A ce propos, pourriez-vous me diriger vers l'armurerie que je puisse me familiariser avec les armes standards de cet endroit."

Il considérait avoir été assez patient sur l'étrangeté de l'endroit. Il avait besoin de familiarité.

Elle battit des paupières à sa réponse tout en souriant gracieusement. Oui, il avait raison, c’était une femme d’esprit.

«Voilà ! Tout à fait. Vous voyez que nous pourrons faire équipe. Vous serez les muscles sans cervelle et moi la cervelle sans muscle. Je sens que nous allons faire un travail remarquable !»

Elle soupira de satisfaction. Il s’interrogea alors sur les armes. En silence elle leur fit prendre la direction de retour. C’était bien plus marrant de le laisser méditer sur sa dernière remarque. Pénétrant de nouveau dans le bureau elle se dirigea vers une porte située au fond et l’ouvrit. Elle se poussa, s’appuyant dos à la poignée pour laisser passer Addington. Elle referma ensuite la porte et vint se placer à coté de lui.

«Comme vous pouvez le constater ce ne sont pas des armes conventionnelles. ceci s’appelle un tesla, et envoie une décharge électrique neutralisante à la cible. Le reste doit vous sembler plus familier. Matraque, armes de poings etc.»

James préféra garder le silence à la rétorque de Victoria. Il ne savait pas quoi y répondre sans perdre la face. Il n'était pas un homme sans cervelle, ne l'avait jamais été. Il avait reçu une des meilleurs éducations possible et tout le monde s'était toujours accordé pour dire qu'il était intelligent. Mais il savait que si il répondait cela, défendant ses mérites intellectuels, cela paraitrait comme une vaine tentative de défense enfantine.

Cette femme allait lui donner du fil à retordre. Il allait lui falloir trouver un plan pour réussir à lui faire voir raison, et si il n'y arrivait pas il ne voyait qu'une autre solution. Il lui faudrait faire une demande officielle de changement de partenaire à Caturanga.

Il était déjà bien assez flexible d'accepter de travailler avec une femme. Il redressa les épaules pour se redonner confiance. Il avait le sentiment que cet endroit possédait un drôle d'effet sur lui. C'était comme si petit à petit il était attaqué par le lieu lui-même.

Il pénétra dans l'armurerie et se focalisa sur l'armement présent.

"Je croyais que nous devions tuer Sergei, pas lui donner une décharge électrique," commenta-t-il alors qu'il soupesait un tesla, essayant de se familiariser avec l'arme. "Je ne vois rien qui puisse le tuer aussi surement et rapidement qu'une balle dans le cœur."

Ah ! Mais quel homme ! Il se voyait déjà vêtu d’un cape blanche, brandissant son épée lumineuse et transpercer adroitement le coeur du dragon. C’était bien les militaires ça. Persuadés que seule l'éradication totale de l’ennemi permettait de régler les problèmes. les armes ou rien ! Alors elle haussa les épaules.

«Concernant les détails de la mise à mort d’Ivanovich voyez avec Caturanga. Après tout je ne suis que cervelle, les muscles, le meurtre, ça c'est votre qualification.»

Bon c’était décidé, elle ne l’aimait pas. cet homme la méprisait parce qu’elle était une femme, et qu’elle avait de la jugeote. Les deux assemblés ne semblait pas lui convenir, et en plus il s’estimait seul capable pour tuer leur cible. Elle ouvrit alors la porte de l’armurerie laissant apercevoir la multitude d’allées et d’étagères renfermant les artefacts. Elle soupira et se radoucit, plus songeuse qu’autre chose.

«Et concernant les armes mortelles, je crois que ce n’est pas ce qui manque ici.»

Elle avait lu certains rapports de missions, elle savait de quoi certains objets étaient capables. Et rien qu’à cette idée, un frisson la parcourut.

Il acquiesça. L'assassinat d'ennemi ne pouvait que être son domaine. Cela avait été idiot de lui poser des questions sur les armes. Elle ne devait pas en savoir long sur le sujet.

Il s'efforça à ignorer l'arrogance des ces mots et demanda, "et quel est donc votre rôle?"
Il n'arrivait toujours pas à concevoir ce que cette femme allait bien pouvoir lui apporter. Il n'était pas sûr d'avoir bien compris la hiérarchie et le fonctionnement de l'Entrepôt mais il lui semblait qu'il allait recevoir ses ordres et informations de la part de Caturanga. Il ne voyait pas bien quelle genre d'équipe il pouvait donc former avec Victoria.

Elle ouvrit la porte, faisant de nouveau entrer dans son champ de vision ces étagères étranges. Son commentaire le laissa perplexe. Il ne voulait pas se mêler de ces étagères mais ce fut plus fort que lui.

"Vous voulez dire que ces objets sont aussi des armes dont nous pouvons nous servir?"

Il n'avait vraiment pas envie de manipuler ces objets, pas après son expérience avec cette épée qu'ils avaient appelé Excalibur, mais si c'était ce dont il avait besoin pour se débarrasser de Sergei...

"Quelles genres d'armes sont-ils?"

C’est sa question qui la sortit de ses pensées. Se retournant vers lui elle s’approcha doucement. Son talent à elle ? En dehors de sa mémoire ? Elle baissa alors les yeux sur un petit objet qui reposait entre ses doigts.

« W comme William ou Wilfried ? »

Elle releva alors des yeux pétillants vers lui.

«Mon père était magicien à ses heures perdues, et avec une mémoire qu’ils appellent photographique, l’Entrepot m’a estimée... utile.»

Elle rendit la montre à James puis se recula pour s’appuyer au dossier d’un fauteuil.

«J’ai lu que certains de ces objets pouvaient... ouvrir des failles dans le sol, rendre des gens fous, répandre de la lave sur le sol, transformer la chair en cendre... Vous devriez lire certains des rapports de missions. C’est... ahurissant, et incroyable. D’après ce que j’ai compris les capacités des ces artéfacts sont dues à des émotions trop intenses dont ils s’imprègnent. Si ces émotions sont violentes ou négatives, alors ces objets peuvent servir au pire...»

Lorsqu'il vit sa montre briller entre les mains de Victoria, il porta sa main à sa poche. Elle était vide.
Il s'irrita légèrement à l'entente de son second prénom.

"Comment avez-vous..." commença-t-il agressivement mais il s'arrêta de lui-même. Sa question était inutile, elle y avait déjà répondue.

Il attrapa sa montre brusquement et la rangea sans sa poche.

Il commençait à voir en quoi cette femme pourrait être utile. Il y avait eu un membre dans son équipe en Afghanistan qui avait possédé une telle mémoire et des talents de magicien était toujours utile dans l'infiltration. Mais pourquoi une femme? Il n'aimait pas cette idée. Que pouvait-il bien se passer dans les esprits des dirigeants de l'Entrepôt pour qu'ils estiment moral d'envoyer une femme si près du danger?

Il frémit imperceptiblement à la description que Victoria faisait des artéfacts. Des images d'Afghanistan lui revenaient à l'esprit. Des hommes - ses hommes - ce faisant pulvériser sous la forces de rayons inconnus, sa propre chair brulant sous l'effet de ce rayon immatériel qui n'avait émis aucune chaleur. Il eu le sentiment que sa cicatrice le lançait sous sa chemise mais il se força à l'ignorer.

Il secoua la tête pour chasser ces souvenirs.

"Ce ne sont donc pas des armes mais des objets de tortures." Son regard était perdu dans le vide au-delà des étagères. Une arme se devait d'être propre, de tuer sur le coup. Tout le reste ne devait pas être utiliser.

"Avons-nous un bureau," questionna-t-il alors qu'il reprenait pied dans la réalité. Il avait eu du mal à prononcer le "nous", mais il avait le sentiment qu'il allait devoir s'y faire. La jeune femme s'était adoucie et peut-être qu'ils allaient pouvoir trouver un terrain d'entente. James en doutait mais il n'avait pas la force de se battre plus longtemps. Il aurait tout le temps de discuter avec Caturanga plus tard. Pour le moment il voulait se poser, lire le dossier sur Sergei et se plonger dans la familiarité d'une mission, d'un puzzle à résoudre.

L’épisode de la montre donna l’effet escompté. Trahison !!!! Le militaire venait de se faire battre… Ah ah ! Voilà qui allait le calmer pour un temps. Oui elle était une femme mais non elle n’était pas sans défense. Tout militaire et bon petit soldat qu’il soit, James devrait apprendre à abandonner son coté misogyne. S’ensuivit des explications et à la tête qu’il fit elle comprit qu’il plongeait dans le souvenir d’un épisode douloureux.
Très douloureux…
Elle garda le silence. Certes elle était peut être hautaine et arrogante, mais elle était aussi humaine et compatissante.
Il demanda alors si ils avaient un bureau et elle sortit de sa minutieuse observation. Se redressant elle joignit les mains.

« Oui. Bien sur. Juste là, suivez moi. »

Elle prit les devant et sortit du bureau de Caturanga pour rejoindre une pièce mitoyenne. Cette dernière était chaleureuse. Une immense table en chaine massif trônait au centre, entourée de chaises. Non loin étaient disposaient plusieurs fauteuils des plus confortables ainsi qu’un sofa. Ici et là de petites tables et guéridons munies de lampe. Là, sur le buffet un nécessaire à thé. Tout un pan de mur était réservé aux livres et rapports de mission. Bref une vrai salle de travail et repos à la fois.

« Considérant la configuration je crois que nous allons passé pas mal de temps en ce lieux. J’ai demandé un nécessaire à thé. Je ne sais pas vous mais personnellement je suis incapable de m’en passer. »

James suivit Victoria hors du bureau de Catarunga. Il espérait qu'ils auraient chacun leur pièce mais il commençait à en douter. Cet endroit, ce Warehouse s'efforçait de contredire toutes les règles et attentes qu'il avait.

Il prit une inspiration et se força à garder l'esprit ouvert mais lorsqu'ils pénétrèrent dans leur bureau James ne put s'empêcher de grimacer. Ce n'était pas un bureau. Cela s'apparentait plus à un salon de réception qu'à un lieu de travail. Il scanna la pièce rapidement et se rendit compte qu'ils n'avaient même pas de bureau séparés.

"C'est..." il ne trouva pas les mots pour décrire ce qu'il ressentait.

"Du thé," il demanda bêtement alors qu'il fut tiré de ses pensées. "Oui bien sûr. Une boisson des plus délectable." Il sourit. La jeune femme était tout de même civilisée sous ses aspects agressifs.

"Il est donc possible d’accommoder ces locaux un peu plus à notre goût?" Il n'attendit pas de réponse. "Serait-il possible d'avoir un bureau personnel?"

Il s'avança vers la table centrale et déposa le dossier dessus. Pendant un instant, elle lui rappela la salle de commandement de son père où trônait une table immense avec des figures militaires.

"Non, oubliez. Cela conviendra très bien," ajouta-t-il avant de laisser le temps à Victoria de répondre.

"Je suppose que nous ferions mieux de commencer à travailler."

James sentait la douleur entre ses tempes revenir. Il n'avait plus la force de se battre et de résister à son environnement. Rien n'avait de sens et il lui faudrait bien accepter cela si il voulait rester. Après tout, c'était sûrement sa seule occasion de revenir vers l'armée, de servir l'empire de nouveau et de tracer le chemin du retour vers sa famille.

Elle fronça les sourcils en l’écoutant et l’observant. Un sérieux débat semblait avoir lieu dans la tête du militaire. Le bureau ne lui plaisait pas. La pièce entière ne lui plaisait pas. Il sembla d’ailleurs un moment vouloir demander une restructuration mais se ravisa. Pourquoi ?
 Il enchaina sur le thé, qu'il, en bon Anglais, aimait lui aussi. Il proposa ensuite de se mettre directement au travail. En silence elle acquiesça.
Comprenant qu’il n’était pas homme à partager et qu’il aimait son espace elle alla se placer à l’autre bout de la table, leur laissant bien 4 ou 5 mètres de bois entre eux. Doucement, elle s’assit puis ouvrit son enveloppe.
Ses yeux se mirent alors à sauter d’un mot à l’autre à vitesse prodigieuse. Chaque mot entrait dans son cerveau et s’y imprimait. Au fur et à mesure elle classait les informations dans sa tête, prête à les ressortir au bon moment…
Cinq minutes plus tard, elle reposait le dossier et un doigt près de sa bouche réfléchissait à ce qu’elle venait de lire…

James acquiesça silencieusement lorsque Victoria alla s'installer à l'autre bout de la pièce. Il attendit qu'elle fut assisse avant de tirer sa propre chaise et de se mettre à lire le dossier.

Sergei Ivanovich... Il y avait une photo à côté du nom. Il avait l'air d'une jeune homme de la noblesse russe ordinaire. Il avait les traits secs et un regard froid. James observa le portrait durant une longue minute avant de laisser ses yeux glisser sur le reste du dossier.

Assassinat de membres du Warehouse pour finir par l'assassinat du Tsar de Russie. Tous retrouvés momifiés du jour au lendemain. James secoua la tête à ces mots, s'efforçant des les obstruer de sa mémoire pour le moment et se focalisa sur le profil de Sergei.

Cet homme était en quête de revanche, il n'y avait aucun doute sur le sujet. Pendant un instant James se demanda si cet homme allait s'arrêter maintenant qu'il avait eu le Tsar de Russie mais il ne le pensait pas. Il connaissait ce genre d'homme et une fois qu'ils avaient pris le goût du sang il ne s’arrêterait plus. De plus il était peu plausible que Sergei arrête sa vendetta avant d'avoir complétement détruit la Warehouse.

Mais par où commencer ? Il n'y avait même pas de localisation actuelle attachée au criminel. Il pouvait tout aussi bien être en Russie qu'à Londres. Il supposait qu'il leur faudrait collecter des détails sur les meurtres, passer les scènes des crimes au peigne fin et interroger les survivants. Y en avait-il ? James scanna le dossier et se rendit compte que les seuls liens qu'ils avaient menaient tous à ce bâtiment, à ce Warehouse.

Il restait tout de même les scènes des crimes. Il ne pouvait pas se rendre en Russie immédiatement mais il y avait eu des assassinat à Londres. Il pouvait commencer ici.

Il releva la tête du dossier. Victoria avait déjà refermé le sien et semblait avoir fini sa lecture depuis un moment.

"Le dernier agent a été tué à Londres," il commença sans introduction. "Je propose de nous rendre sur la scène du crime." Il se leva de sa chaise sans même attendre la réponse de Victoria. Il ne voyait pas d'autres actions qui pourrait le mener à l'extérieur et le monde ordinaire qui l'attendait derrière les murs de ce bâtiment.

Il s'apprêta à faire un pas vers la porte lorsqu'il se rendit compte qu'il n'avait aucune idée de comment sortir de ces lieux.

Toujours plongée dans ses pensées Victoria n’entendit pas de suite ce que James lui disait. Elle essayait de se souvenir de tout ce qu’elle avait lu sur la psychologie. Car oui, elle voulait comprendre Sergei, ses motivations. Abraham Lincoln avait dit « Sois proches de tes amis, encore plus proche de tes ennemis ». Ce n’est qu’en le comprenant, en le connaissant qu’ils pourraient l’anticiper.

« rendre… scène de crime… »

Dans un pseudo soupire elle releva la tête. James était debout. Mais pourquoi donc ? Elle remit alors les mots dans le bon sens. Se rendre sur la scène de crime. Elle bondit sur ses pieds.

« Excellente idée ! J’ai besoin de comprendre quelque chose. Il faudrait aussi demandé à Caturanga s’il a terminé l’autopsie du corps. Je suis curieuse de savoir ce qui… momifie… les gens comme ça. J’ai déjà lu des tonnes de rapport sur les… artefacts, mais je n’ai rien lu qui concerne un objet momificateur… »

Gracieusement elle passa devant lui et se dirigea vers le bureau de Caturanga.

James retint un soupir de justesse lorsque Victoria acquiesça à sa proposition. Ce sentiment de soulagement fut de très courte durée alors qu'elle enchaîna en proposant de demander les résultats de l'autopsie. James ne voulait pas savoir ce qui causait cette momification. Ce n'était pas naturel et il ne pensait pas que Catarunga allait soudainement lui donner une explication rationnelle et scientifique.

Il n'eut pas le temps de protester que Victoria était déjà passée devant lui prenant les choses en mains.

"Mademoiselle," commença-t-il mais elle était déjà hors du bureau. Il la suivit lentement et la rattrapa alors qu'elle pénétrait dans le bureau de Catarunga.

"Mademoiselle Greggson et moi souhaiterions voir les résultats de l'autopsie." Les mots sortirent de sa bouche aussi naturellement que si cela avait été son idée. Cela avait du sens de voir les résultats avant de s'aventurer à l'extérieur et la seule façon dont il se sentait capable d'encaisser de nouvelles révélations sans queue ni tête était de se montrer professionnel. Il n'avait après tout signé aucun contrat. Il n'y avait rien eu d'officiel depuis son arrivée, rien de formel mais il pouvait supposer sans trop de doute qu'il était en période d'essai et il lui fallait se montrer à la hauteur. Il ne pouvait pas laisser Victoria pendre toutes les rênes.