Amusant comme les hommes sont sensibles à leur égo. Amusant comme ils aiment garder le contrôle, prendre les choses en main. Et amusant comme ils réagissent comme des enfants lorsqu’une femme prend les devants. Victoria n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche, ni même de terminer son entrée dans le bureau de Caturanga que James l’avait déjà bousculée pour demander le rapport d’autopsie.
D’abord légèrement choquée, elle se mit à sourire en voyant la tête de leur patron. Ce dernier semblait être en train d’écrire quelque chose lorsqu’ils avaient fait irruption dans son bureau. Figé il écarquilla légèrement les yeux et lança un :

« Et bien… si c’est si expressément demandé Monsieur Addington… » Il attrapa un dossier sur son bureau et le glissa dans leur direction.

« D’après nos recherches il s’agit d’un artefact venant du Warehouse 2, à Alexandrie. La question qui se pose c’est : comment Ivanovich a t il eu accès à cet objet là, et comment à t-il eut vent de son existence ? »

Victoria s’était rapprochée de James et lisait par dessus l’épaule de ce dernier le rapport d’autopsie. La victime semblait avoir des marques de ligature autour du cou, et s’était apparemment complètement déshydratée jusqu’à momification complète et parfaite. En quelques secondes elle avait fini. Observant quelque chose de bizarre sur le visage de son patron elle demanda.

« Et… quel est le problème ? » Il haussa les sourcils. « Il y a quelque chose d’autre n’est ce pas ? Qu’est-ce ? »

L’homme soupira puis avoua.

« Le problème c’est qu’on a aucune autre information sur cet objet. Nous savons qu’il a été récupéré il y a plus de 1000 an par les premiers agents mais en dehors ça on ne sait pas d’où il vient, ni à quoi il ressemble… »

En effet, ça pouvait être problématique…

James sentit son mal de tête revenir. Il avait espéré qu'entreprendre une enquête, suivre une procédure connue aller l'aider à ne pas penser à ce tout ce qu'il venait d'apprendre. Mais à chaque fois que Mademoiselle Greggson ou Catarunga ouvraient la bouche, des phrases sans queues ni têtes sortaient. Un objet de plus de 1000 ans, une Warehouse déjà en existence au temps d'Alexandrie.

"Je suppose que vous avez pensé à une corde," demanda James.

"Les artefacts ne laissent pas toujours des traces en lien avec leur forme. Cet artefact peut être n'importe quoi." Le patron confirma ses doutes. Rien ne serait simple dans cette affaire.

James prit une longue inspiration. Il essaya d'oublier toute son éducation et sa logique. Ceci était un autre monde et il était clair que personne ne lui mentait ou était en train de lui faire passer un test.

"D'accord. Les victimes se font momifier. L'objet," James ne pouvait toujours pas utiliser le mot artefact, "vient d'Alexandrie. Il serait logique d'assumer qu'il vient d'Egypte ancienne. Une amulette ou un papyrus peut-être ? J'aimerais aller sur la scène du dernier crime. Peut-être qu'il y a encore des indices sur le lieu." Automatiquement il attrapa le tesla sur le bureau. Il se rappela qu'il ne savait pas comment sortir.

"Comment sort-on de ce lieu?" Il regarda Catarunga et sa collègue. Il se rendit compte qu'il l'avait complètement ignoré durant les dernières minutes. Il allait le payer. Rien n'allait être facile ici. Il sera les mâchoires et se prépara à l'attaque de la jeune femme. Il savait que c'était de sa faute. Tactiquement il avait mal joué ses cartes. Il lui sembla entendre les reproches de son père à l'oreille. "Tactique avant tout" "Tu n'es qu'un bon à rien ! Tu crois que c'est comme ça qu'il vont te rendre capitaine !" "Un idiot de soldat ! C'est tout ce que tu devrais être". Sa cicatrice brula sous son t-shirt et il serra son poing autour de l'arme dans sa main.

Bras croisés, deux doigts lui tenant le menton, Victoria arpentait la pièce en large derrière Addington. Seul le froissement de ses jupes et le son de ses talons martelant ponctuellement le sol, rythmait le fil de sa pensée. Addington souleva alors une question intéressante. Si frileux fut-il à l'égard de ce nouveau monde qui venait de s'ouvrir à lui et des artefacts, il n'en demeurait pas moins un homme de logique et d'action. Un soldat.

Cependant, il y avait quelque chose qui n'allait pas. Quelque chose qui avait été dit et qui la dérangeait... Elle se repassa alors les paroles précédemment dites. Bingo. La jeune femme stoppa net ses allées et venues et se tourna vers Caturanga, se plaçant dans le même temps épaule contre épaule avec le militaire.

"Un instant je vous prie. Vous venez de dire que l'artefact a été récupéré par de précédentes équipes il y a plus de 1000 ans. Et vous mentionnez l'entrepôt d'Alexandrie. Cela veut-il dire que nous savons où se trouve l'Entrepôt 2 ? Comment est-ce qu'Ivanovich a-t-il pu avoir accès à de telles informations ? Et qui sait ce qu'il a pu sortir d'autres comme... artefacts de cette chambre forte ? En a-t-on la moindre idée ?!"

Au fur et à mesure que les mots s'extirpaient de sa bouche, une froide colère montait. C'était aberrant ! Et impossible ! Si ces objets étaient si dangereux que ça, comment est-ce que de tels individus pouvaient y avoir accès ?! N'avaient-ils rien pu prévoir à l'avance ? N'avaient-ils pas pu voir venir l'ennemi ?!

A cours de mots et sa colère bouillonnant en elle comme une bouilloire elle contempla un instant Caturanga, furieuse. L'homme semblait percevoir ce qu'elle ressentait, et impassible lui renvoyait regard d'un calme olympien.

"Je pense qu'en effet, aller sur la scène de crime est une bonne idée Monsieur Addinton. Je compte sur vous Miss Greggson pour mémoriser le moindre détail."

Victoria n'eut pour toute réaction que celle de dilater ses narines, signe évident d'un profond et douloureux self controle. "Inconséquent..." cracha-t-elle alors, à mi-mot, avant de s'en retourner dans un froissement de jupes pour sortir du bureau. D'un pas rapide et assuré, elle se dirigea sans marquer la moindre pause vers le monte-charge qui les ramènerait à la surface, au coeur de la National Gallery.